Prélude : le 10ème paladin a le souffle court
Drôle d'impression que la délicieuse sensation d'être attendu de pied ferme ! La sensation du passage obligé : rien ne vous y oblige et pourtant vous y aller... et en plus, vous savez que cela va mal tourner.
Brackock, le 10ème paladin de l'armée des Edelweiss, ne pouvait se défaire de ce ressentiment depuis que la Princesse du Clan avait annoncé sa participation à Paladhil II. Sa position de 10ème paladin de l'armée le plaçait au deuxième rang du premier assaut. Sa place peu privilégiée ne lui posait que peu de problèmes dans la mesure où sa pointe de vitesse était la plus faible des 15 ou 20 premiers rangs. Il atteignait généralement les combats lorsque le pillage débutait ou lorsque la princesse sonnait la retraite. Mais cette fois-ci, ses piètres qualités ne lui semblaient pas suffisantes pour s'en sortir indemne.
Brackock et ses amis avaient rapidement pris connaissance des prétendants à Raceodhil au sein de la race humaine... si le nombre de participants lui semblait un obstacle aisément surmontable, la présence de 5 seigneurs Initiés lui remis les idées en place. Le droit de représenter la race humaine leur était promis si les autres humains ne se décidaient pas à faire cause commune...
Acte 1 : le cuisinier fait du lard
Les conquêtes de la princesse n'étaient pas légion mais à chacune de ses tentatives, il lui fallait son régime adapté : lait de chèvre au petit déjeuner, poularde à midi et une soupe aux effluves d'orties le soir... Lui à qui on avait promis l'aventure et les combats, lui qui réclamait vouloir voir le sang couler à flots !! Lors de son premier assaut, il avait trébuché et sa dague lui avait transpercé le gras de la cuisse ! Satanée racine !!
En guise de sang, le voilà destiné à faire carrière dans la cuisine du campement et voir couler le sang... de la poularde du repas de midi
Les rumeurs du campement prédisaient un retour rapide à la Cité du Clan. Seulement voilà, un deuxième embarquement pour Raceodhil, bien qu'improbable, n'est pas totalement exclu et des denrées devaient être prévues en quantité suffisante... juste au cas où... et c'était cet hypothétique droit de représenter les humains qui changeait considérablement la donne. 10 à 15 lunes de denrées, c'est une chose... 25 ou 30 lunes, c'est tout à fait autre chose... et pour le cuisinier de Xéna, 20 sacs de denrées, c'était 10 aller-retours tandis que 50 sacs de denrées, c'était une bonne heure de sieste définitivement perdue...
Acte 2 : le scribe a une plume dans l'... oeil
Tirol, jeune scribe aussi aigrelet que sa plume, avait rencontré Xéna alors que celle-ci venait de bouter son maître, Kaelig, hors de Clandhil 2... La princesse du Clan s'était toujours étonnée de la présence d'un scribe auprès de Kaelig... pourquoi travailler dans la bibliothèque d'une brute comme Kaelig ? Tant qu'à concourir pour le boulot le plus ridicule et le plus ingrat, autant tenter sa chance chez les orcs !
La princesse avait eu pitié pour cet être sans relief qui avait un mérite non négligeable, celui de retranscrire en tant réel sur un parchemin les paroles de Xéna. Et au regard du débit de paroles de la seule Dame du Clan, le don de Tirol tenait presque du miracle !
La princesse lui avait demandé de préparer un texte pour annoncer son départ pour Paladhil 2. Tirol voulait une annonce choc et des mots qui accrochent. Il avait travaillé une bonne partie de la soirée et avait retrouvé Xéna dans ses appartements du Clan.
Dame Xéna, voici le texte que vous m'avez demandé :
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Lorsque la lune frappera le dôme nacré de la Cité
Et que la rosée couvrira la vallée de sa volupté,
Lorsque les hommes armés guerroieront,
De sang, les épais sillons se rempliront
Au-delà des montagnes enneigées du Nord
Les vallées s'empliront de l'odeur de la mort
Pour avoir l'honneur de brandir son étendard
La princesse du Clan devra sortir de l'épais brouillard
Paladhil deviendra champ de bataille
Mais bientôt, tomberont toutes ces murailles
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Tirol n'eut pas le temps d'achever son ode que la faux de la princesse vint déchirer le parchemin !
"Franchement, tu me vois adresser ce torchon aux combattants de Paladhil ? Autant demander au Sieur Onkull de m'écrire une homélie !!"
Le jeune scribe s'en retourna, soulagé que la faux n'ait atteint que le parchemin...
Acte 3 : l'apothicaire ne pouvait pas prévoir... que le Sieur Onkull n'avait pas de cervelle...
Le Sieur Onkull avait entendu parler du prochain départ de la Princesse des Edelweiss pour Paladhil. Il savait qu'à chaque déplacement, la Cité du Clan se vidait d'un certain nombre de marchands et de suiveurs, car Xéna se déplaçait toujours avec un cortège particulièrement fourni.
Le Sieur Onkull n'accordait que peu de crédit aux docteurs et autres charlatans diseurs de bonne aventure mais il avait une certaine tendresse pour l'apothicaire de la Cité. Le Sieur Onkull souffrait depuis sa tendre enfance d'une vaste surcharge pondérale qui lui occasionnait de longues périodes de constipation. Et quoi de plus dangereux qu'un orc constipé ? pas grand chose à bien y réfléchir...
Le Sieur Onkull se présenta devant la boutique de l'apothicaire et après avoir vigoureusement écarté la vieille dame du comptoir et s'adressa à l'homme :
J'viens chercher tes herbes habituelles... fait au moins 9 jours que j'ai rien fait... j't'explique pas comment j'chuis bouché !!
Très bien, je vois... je ne serai pas là pendant plusieurs lunes, alors je vais vous donner de nouvelles herbes et vous verrez que vous ne regretterez pas leur efficacité.
Ouais si tu veux... tant que ça débouche !
Combien vous faut-il de temps pour rejoindre votre... logement ?
10 minutes, sauf si je coupe par le potager. Je gagne 5 minutes mais après j'ai plein de radis coincés entre les orteils.
Très bien, on va dire 10 minutes.
L'apothicaire tendit 5 pousses verdâtres à l'Orc :
Prenez les maintenant et rentrez chez vous... dès ce soir, vous sentirez un mieux et demain, vous vous sentirez plus léger.
L'orc croqua le tout et pris le chemin du cimetière, son lieu de résidence habituelle.
Au coin d'une ruelle, l'orc fut alpagué par deux nains complètement ivres !!
Hé ! le gros mou du bulbe, pas cap' de vider le tonneau sans tomber.
GGnnééé ??
Le cerveau de l'orc ne pouvait accepter le renoncement à un tel défi. Il suivit les deux nains jusqu'à l'Auberge...
La lourde porte se referma sur eux...
Les deux nains et l'aubergiste ont été enterrés le lendemain et ont reçu des obsèques dignes de la Cité du Clan... le corps d'un visiteur présent dans l'Auberge à ce moment précis n'a jamais été retrouvé... l'histoire ne raconte pas comment l'Orc a réchappé au "torrent de boue" putride qui a dévasté l'Auberge...
Epilogue : chronique d'une défaite annoncée.
Xéna comptait sur ses adeptes et ses paladins pour combattre sur Paladhil, mais ses aides de camps ne lui avait pas caché la réalité : la défaite semblait difficilement évitable. La présence de 5 Initiés rendait les choses compliquées, mais pas insurmontable.
En revanche, l'ignorance et la stupidité de certains membres de son armée allaient sérieusement lui compliquer la tâche.
La princesse du Clan embarquait pour Paladhil avec le sentiment que ce n'était pas encore cette année qu'il visiterait Raceodhil..