[Le cycle du Talion] Second degré : Vanité des vanités, ...

[Le cycle du Talion] Second degré : Vanité des vanités, tout n'est que vanité !


J'ai l'orgueil des vices qu'on me prête ; je suis moins fier des vices que j'ai !
Jean Cocteau

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Rat avait franchi la barrière de flammes d'une cheminée pour quitter le Savoir qui emprisonnait la Curiosité. (Cf http://www.daifen.com/forum/topic.php?id=2731 )
Comme un seuil de porte que l'on passe sans s'en rendre compte, le démon se retrouva...à sortir d'un foyer brûlant de cheminée !
Mais un âtre de cheminée comme nul n'imaginait!!! Immense ! Gigantesque ! Assez vaste pour contenir le bois d'une forêt de vos campagnes ! Non, je n'exagère pas!

Toute la pièce dans laquelle il venait d'atterrir brillait par son luxe, sa grandeur, sa magnificence !
Des plafonds à plus de 5 mètres de haut, encadrés de moulures complexes et écrasantes.
Des candélabres, des chandelles, des bougies, allumés dans chaque recoin de la pièce. Une table avec un festin pantagruélique s'offrait aux regards des plus gourmands. Du cristal et des bibelots en or sur chaque boiserie finement travaillée représentant des scènes de chasse.
Des trophées portant des bois de cerfs extraordinaires à tous les murs, par centaines. Des animaux étranges et menaçants empaillés pour le bien de tous venaient hurler la force et le danger.

Et au milieu...un trône ! Un trône comme tout roi aurait tiré orgueil et suffisance. Un trône qui clamait le pouvoir !

Et sur ce trône, un homme.

Un homme ? Non, un géant, un ogre, un titan !
Une barbe bouclée qui descendait majestueusement jusqu'au nombril de son propriétaire. Une couronne sertie de pierres chatoyantes et plusieurs couches d' habits de couleur rouge de velours et de soie. Un sourire à dévorer le paradis et le purgatoire. Dans ses yeux, un feu plus brûlant que celui dont venait de sortir Rat. Ses yeux ! C'était une porte vers l'enfer ! Un gouffre de flammes où l'on se noyait dans un tourbillon fiévreux et consumant.

Rat approcha, tentant de paraître sûr de lui, cachant l'impression que le lieu avait sur lui.

Un énorme éclat de rires, gras, caverneux sortit de la bouche de l'occupant de la pièce.

-Bien le bonjour à toi Seigneur Nicelfur ! Prends place ! Assieds-toi sur les tapis devant moi, là, juste à mes pieds !

Le démon, méfiant, fit 3 pas vers cette nouvelle rencontre, s'accroupit sur un tas moelleux de tapis persans.
Dans cette position, en contre-plongée, le titan paraissait encore avoir grandi. Mais il n'allait pas se laisser éblouir comme cela, il ouvrit la bouche :

-Bonjour à vous. Je...Vous devez vous tromper, je me nomme Rat.

-AH AH AH AH AH. Mais qu'il est drôle! Qu'il est drôôôôôôôle ! OUAH AH AH AH !...humpf...trêve de plaisanterie...pas à moi Nicelfur ! Je te connais. Ici tu n'auras que ton nom d'homme. Pas ton nom de démon. Tu te nommais Nicelfur Coeurbeau avant ...mmmmh...ton petit accident ! Mage incantateur de ton état, exorciste de démons amateur. Puis tu as fusionné, par vanité si je ne me trompe, avec un démon ancien et un misérable rat.

-Vous semblez savoir bien des choses...

-Et oui Nicelfur. La Curiosité a tenté de s'adresser à l'animal rongeur en toi, je m'intéresserai à l'homme qui te compose.

-Vous perdez votre temps là, allons droit au but : je sais qui je suis et où je vais. Et évidemment ici ce n'est pas là où je veux me rendre. Donc je vais de ce pas prendre congé...

-STOP !

-Je n'ai pas à vous obéir !

-Mais tu vas le faire! Tu ne comprends rien. AH AH AH AH AH AH !!! Mais comme il me fait riiiiire ! AH AH AH AH AH !!! Rassure-toi, je vais arranger tout ceci. Mais avant cela...je manque à tous mes devoirs, j'ai omis de me présenter : je suis La Vanité.

-Vanité ? Enchanté. Bon et maintenant que dois-je faire pour passer à l'étape suivante ?

-Une étape ? Une étape ??? UNE ETAPE ???? Tu crois être dans une sorte de parcours initiatique où TOI, petit tiers de démon du hasard, MAESTRO RAT, rebelle devant l'éternel, tu vas triompher de chaque épreuve pour finalement toucher le gros lot, le pot de beurre et le croupion de la laitière ??? Ohhhh ...Ohhh... Ohhhh OH OH OH OH OUAH AH AH AH !!! Mais il est vraiment trooooopppp !!! Il va me faire mouriiiiir !

La Vanité essuya les larmes qui encombraient le coin de ses yeux, renifla un grand coup, sortit un pan de tissu qui aurait servi à faire une tente à une famille de nains pacifistes et se moucha dedans avec force bruit, enfin, il observa pensif la scène quelques secondes, puis :

-Bon, je reprends. Nicelfur, si tu le permets, peux-tu me dire quelle route TU penses avoir choisie présentement ? Hein, dis-moi, quel est ton but ?

-J'ai choisi d'aller défier et détruire Ceux qui décident. Ceux qui ont voulu se jouer de moi, ma famille et mon destin...J'ai choisi de me venger et d'ébranler l'univers de ma colère. J'ai choisi d'être libre.

-...Ohhhhhh !... Mais en voilà un projet ambitieux dis-moi ! Toi ? Toi tout seul ? Ceux qui ont joué avec ton destin ? Ton destinnnn....qui...était de ???

-De devenir le Maître du chaos et de l'univers visible...de faire pencher l'ordre vers le désordre !

-Ahhhhh !... Et comment savais-tu qu'il s'agissait de TON destin ça ?

-Les prophètes et les oracles, tous l'ont annoncé !

-Ohhhhhh !!! Mais bien sûr les prophètes ...comme celui que tu as relevé d'entre les morts ? Celui que TU as créé ? Bien sûr, bien sûr...Les oracles...ceux de ton petit bout de terre, noyé sur la toute petite planète d'un vaste univers contenu dans cette toute petite couche de cette dimension de la réalité dans laquelle tu es né ? Hunhunnnn ! Mmmmh...hun hun ! D'AC-CORD ! Merci d'avoir éclairé mon humble petit esprit qui n'avait pas le pouvoir d'appréhender toute l'immensité et la complexité de ton existence et de ton destin...

Un peu décontenancé, le démon resta bouche-bée. Se reprendre, vite !

-Etes-vous là pour me décourager ?

-Moi ? LA Vanité ? J'aurai juste été là pour TE décourager ?L'on m'aurait tiré du Néant juste pour que un beau jour, là, ici, je te rencontre et je te parle ? Et bien quelle énergie a du mettre le TOUT juste pour insuffler un peu de désespoir dans la tête d'un malheureux hère perdu dans les volutes de sa propre existence !

-Ce n'est pas ce que je voulais dire ! Vous déformez tous mes propos. Vous n'écoutez rien !

-JE n'écoute rien ? Mais que dois-je comprendre ?

-Vous êtes vaniteux et suffisant, il ne sert à rien de discuter avec vous. Je m'en vais !

Et le Rat de se relever pour se diriger vers la cheminée.

-ATTENDS !

L'ordre avait résonné dans les fondements même du démon, le clouant sur place. L'empêchant de continuer son action (sa fuite ?), quand bien même il l'aurait souhaité.
Reprenant d'une voix plus douce, presque maternelle, la Vanité susurra :

-N'est-ce pas ce que l'on dit de toi d'habitude ? Hum ? Vaniteux ? Suffisant ? Avec qui il est inutile de discuter ?

-Le problème n'est pas comparable ! Je rabats les trop longues langues pendues des imbéciles !

-Et en ce moment, moi je suis en train de... ?

Se reprendre maintenant! MAINTENANT!

-Je me le demande. Je ne suis pas un imbécile à la langue pendue... Je suis CELUI qui s'est détourné du chemin que Ceux au-dessus de Vous ont tenté de m'imposer. CELUI qui a délaissé le chemin qu'on lui donnait pour se consoler de s'être rendu compte qu'il n'était pas libre !

Un moment, juste une impression. La Vanité n'avait-elle pas sursauté ? Continuer.

-Je suis CELUI qui a créé le mouvement et le temps dans un univers totalement figé. CELUI qui a brisé les limites d'un univers pour être là aujourd'hui !

Il n'y avait plus de doute. Quelque chose changeait. La Vanité était moins imposante. N'avait-elle pas un air plus flétri ? Elle tenta :

-Ah, tu...tu crois ...que ...heu...que tu as réalisé...réalisé ...un ex...exploit ?

-OUI. Je me suis soustrait à ma condition. JE suis devenu MON SEUL MAÎTRE.

Rat avait remarqué avec stupéfaction un étrange phénomène : la Vanité perdait en superbe et pendant que la Vanité se ratatinait sur elle-même, lui-même prenait de l'ampleur dans la pièce. Il devenait, plus présent, plus grand...

-Et vous de votre côté, vous n'êtes qu'une entité piégée dans un plan, gardant une porte, gardant VOS maîtres ! JE suis libre. Vous non !

Ils se faisaient maintenant face. Ils avaient la même taille. La barbe de la Vanité était maintenant pleine de noeuds, plus clairsemée par endroit. Ses habits étaient ternes, mités, elle tremblait même comme un vieil alcoolique en phase de pré délirium...

-Je ne suis pas en train de rivaliser pour être au moins aussi vaniteux que vous, non ! Personne ne peut vous égaler, et heureusement ! Mais personne ne peut se soustraire à vous non plus ! Tout être vit de sa vanité et c'est tant mieux ! Vous essayez de vous ABAISSER à ma hauteur pour m'expliquer une chose. Pour me faire prendre conscience de l'inutilité et de la stupidité de mon but à mes PROPRES YEUX ! Vous n'avez pu me stopper aussi sèchement que parce que je le voulais bien !

L'être en face de lui devenait flou pour ne laisser qu'une autre image. Une image plus familière à Rat...sans barbe, des habits d'un noir de geai, 2 petites cornes lui crevant le front, une tignasse ébouriffée ... c'était son propre reflet qui se tenait devant lui...et son reflet lui souriait.

-Mais je dois me rendre à l'évidence. Peu importe si mes intentions paraissent farfelues ou naïves face à l'Immensité de ce qui est et que je ne connais pas encore. Peu importe si je ne suis que Rat, un animal, Nicelfur, un démon stupide ou l'union des 3, il me suffit de croire en MOI et d'aller là où il me sied pour être plus fort que mes peurs. Je le répète : Je sais QUI je suis et je rajoute que j'en suis fier. Je sais OÙ je vais et je rajoute que rien ne me fera douter de la voie que je ME trace !

L'apparition n'était plus qu'un voile éthéré, motif en filigrane de Rat lui-même, assis sur le trône.
Rat, le vrai et l'unique, rattrapa sa propre image en s'asseyant, en se fondant en elle, en ne faisant qu'un avec elle.

-Ce n'est que moi que j'ai du affronter.

Un sourire naquit sur les lèvres du démon. Un sourire d'apaisement. Il posa ses 2 avants-bras sur les accoudoirs du trône qu'il venait de gagner, s'installa plus confortablement au fond de son siège. Une brûlure sur le poignet droit lui laissa une marque en forme d'étoile...

A ce moment précis, un rire gras résonna tel un écho du passé. Un rire et une dernière remarque, comme une bénédiction, un encouragement...

-Bien, très très bien....AH AH AH Ah ah ah ah...

L'écho s'éteignit.

Encore un dernier instant pour apprécier le sens de ses propres mots et Rat eut soudainement l'impression de basculer violemment en arrière, dans un gouffre sans fin, accompagné d'un long cri de surprise...ce cri était-il le sien ou celui de son ombre prise au dépourvue dans ces ténèbres ???

A suivre...